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Nanette Rißler-Pipka, Gerhard Wild (eds.) Picasso – Poesie – Poetik / Picasso, his Poetry and Poetics Picassos Schaffen aus literatur-, sprach- und medienwissenschaftlicher Sicht Volume 10 ISBN: 978-3-8440-1083-1 Prijs: 29,00 € / 36,25 SFR |
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Vers I´ annee 2004, !es chercheurs se sont penches sur l´evaluarion de Salvador Dalí ecrivain á l´occasion du centenaire de son anniversaire. Nanette Rißler-Pipka, en tant que coéditrice, et Gerhard Wild, en tant qu´auteur, avaient contribué en 2007 a un ouvrage collectif sur Ia création extra-picrurale de Dalí (volume dont une critique se trouve dans Romanische Forschungen 122/4, 534-541). Ensuite, ces chercheurs se sont dédiés á l´autre monument de l´art moderne espagnol en organisan un colloque international sur Picasso écrivain, colloque dont est né le présent ouvrage. Contrairement á Dalí qui avait vu ses divers ecrits vivement discutés dans !es mass-media dés sa premiére aurobiographie parue en 1942, le grand public n´a jamais vu en Picasso aurte chose qu´un peintre: »Je suis beaucoup plus, mais les gens ne me prennent pas au sérieux. Ils me prennent au sérieux seulement comme peintre. Tant pis pour eux« (168). Encore enfant, en 1893. Picasso crée son propre journal Azul y Blanco calqué sur Ies grands quotidiens. II en est le seul collaborateur, rédigeant lui-meme les textes. Commentant les évènements qui se passaient autour de lui er les illustrant de sa main. Il est vrai que Picasso, longtemps avant de devenir l´ami de Guillaume Apollinaire à Paris, frequente déjà des écrivains et des poètes depuis ses deburs comme artiste à Barcelone en 1895. Par contre, le jugement qu´ aurait porté sur Picasso une autre de ses grandes amies écrivaines, Gertrude Stein, semble moins exact. Selon Srein, Picasso n´aurait »jamais Iu de sa vie un Iivre qui ne fût écrit par un ami« er il n´aurair »jamais éprouvé de sentiment pour aucun mot« (13). C´ est ainsi que Ia doyenne de Ia littérature d ´avant-garde aurair réagi a l´annonce des premiers poèmes que Picasso avait ècrits et récités à des amis en 1935, donc à l´áge tendre de 54 ans. La prise de plume relativement tardive de Picasso a longremps étè inrerprétée comme acre de compensation dû à sa rupture avec Olga Khokhlova et à Ia naissance de sa fille avec Marie-Thérèse Walter Ia même année, donc à des circonstances personnelles aggravées par Ia situarion politique inquiétante en Europe. L‘un des objectifs du volume Picasso- Poesie- Poetik est de montrer non seulement que Picasso a créé une œuvre artistique indépendante de sa peinture comptant plus de 300 poèmes er deux pièces de théâtre, mais aussi que cette œuvre fut élaborée d´après une véritable stratégie à laquelle il resta fidèle tout au long de sa vie. L‘analyse de cette stratégie représente le point commun des articles du Iivre en question, et en outre le sujet le plus intéressant à suivre au fil des différentes conrributions que réunit l´ouvrage. Ce qui saure aux yeux et fair l´unanimité des auteurs de ce volume est l´aspect fragmenté, dynamique er ouvert sur de multiples lectures qui caractérise les écrits de Picasso. Prenons comme exemples ces deux deburs de poèmes écrits a quelques jours d´intervalle: "Lengua de fuego abanica su cara en Ia Aaura Ia copa que canrando roe Ia pufialada del azul« (poi:me du 24- 26 novembre 1935), et ensuite »Langue de feu évente sa figure dans Ia flûte Ia coupe qu´en lui chantant ronge le coup de poignard du bleu«, (poème Ju 28 novembre 1935: facsimilés p.114-115). On remarque sur le champ l´absence de ponctuarion ou d´une syntaxe orthodoxe et le privilège donné à I´expression libre proche des textes d´Alfred Jarry ou des dadaistes. Comme le soulignent plusieurs articles, Ia parenté avec l´ecriture automatique des surréalistes est uniquement superficielle: dans l´espace de quelques jours, Picasso traduit minutieusement er mot à - ou sémantiquement parlant: unité par unité - son poème espagnol en francais. Picasso ecrivain est un atrtiste parfaitement bilingue: néanmoins, ce constat ne rend pas plus faclle l´ interprétation de ses textes, car il ne s´agir pas d´une traduction d´une Iangue dans une autre: »Si je pense dans une langue I et j´ecris >le chien court I derrière le lièvre dans le bois< I et veux le traduireI dans une autre je dois dire I >Ia table en bois blanc I enfonce ses pattes dans /le sable et meurt I presque de peur de I se savoir si sotte<« (17). C´est ici que commence le vrai débat: à savoir si oui ou non Picasso composair ses écrits selon les mêmes principes que ses tableaux cubistes. Une partie des chercheurs soulignent Ia conrinuité, voire l´equivalence entre les œuvres cubistes et les texret poètiques de Picasso. Javier Gutiérrez-Rexach commence son analyse des vers cités ci-dessus en invoquant l´éditrice du présent recueil: »As Rißler-Pipka states: >Translation doesn´t mean for him just the translation from one language to the other, but complete changing of sense.< [ . .. ] lf painting helped Picasso transcend reality and translate objects in a visual field to cubist shapes and schemas, language may possibly have the same purpose« (101). Reprenant l´ analyse proposée déjè dans l´introduction (17). Gutiérrez-Rexach voir le bois (la forêt) où courent Ies animaux se transfonner pour devenir le bois de Ia table. De même que le cubiste de Picasso a pour objectif de rendre visible Ia structure inhérente des formes élémentaires présentes dans la nature, ses poésies tendent à rendre visible une réalité jusqu´alors cachée, à l´aide de différents moyens littéraires, stylisriques ou linguistiques: »accumulation and displacement of images, striking associations and transgressions of grammatical rules. There is no other possible way of reaching the surrealist realm of the sense« (101). Malheureusement, aucune conrribution du recueil ne se propose d´examiner de plus près les similarités entre les écrits de Picasso et les textes non-automatiques des surréalistes comme ceux de Paul Eluard. Par le biais de Ia métaphore poétique, on pourrait peut-être mieux comprendre Ia fascination des surréalistes pour les images du cubisme analyrique et puis synthétique. Il existe toutefois une autre fraction de chercheurs qui s´opposent à une réduction des textes de Picasso à ce qu´on pourrait nommer des écrits cubistes, c´est-à-dire à Ia transposition du procédé pictural de Picasso cubiste à son ecriture. L‘un des plus grands détracteurs de cette these est le spécialiste Enrique Mallen qui a mis en ligne le »Picasso Project« où se trouvent réunis er cornmentés rous les écrits picassiens disponibles. Mallén s‘oppose à ce que, pour expliquer les textes paraissant à partir de 19 35· il faille avoir recours à un style de peinture que Picasso et ses amis avaient élaboré autour de 1910. Cela est trop simpliste, statique et nie non seulement une évolution de vingt-cinq années, mais route une dimension de Ia réalité artistique de Picasso: »En los trabajos de la decada de 1930, Picasso continúa las investigaciones de Ia decada de 1910, pero anade a esto una búsqueda que va más allá de Ia obra misma, algo ran fisico como espiritual. Es en esre punto que el arrista malagueno se sirve de las funciones »fática« y »órfica« del lenguaje« (132). Pour Mallén, le »mas alla« de Ia recherche picassienne se situe dans une dimension mythico-religieuse, même si le lecteur insatisfait par un manque de concrétisation de cet »au-delà« doit peu-être se référer aux analyses plus longues de Mallén. A Ia suite d´un article consacré aux piéces de théâtre de Picasso par Volker Roloff, les deux dernières contributions du recueil sont dédiées à des aspects dérivés de Picasso ecrivain. L‘etude critique de Hanno Ehrlicher traite de Ia fictionnalisation de Ia biographie de Picasso par l´ecrivain Max Aub lequel raconte Ia vie de Picasso par l´intermédiaire d ´un présumé ami intime, Torres Campalans, qui n´est en réalité qu´une invention de Max Aub lui-même. Angelica Rieger souligne que Picasso, dont des eauxfortes, des pages de dessins et des gravures sur bois avaient été utilisées en 1931 par Ambroise Vollard pour une édition illustrée du Chef d‘œuvre inconnu, étair bien libre d´interpréter cette nouvelle de Balzac comme une anticipation de Ia peinture non-figurative. Par contre, il lui importe de prouver que l´aureur de Ia Cornidie Humrzine avair bien l´intention de présenter son héros tragique, le peintre Frenhofer, comme un vieux fou raté et non pas comme un Prométhée de I´art moderne. Il est intéressant de noter que ce dernier sujet, Picasso illustrateur du Chef d´œuvre inconnu, a été traité independamment de Rieger par Jean-Claude Lebensztejn dans le n°124, été 2013, des Cahiers du Musée National d´Art Moderne, Ia publication du Centre Pompidou. Là, en depassant ce que Balzac ou Picasso auraient pu penser en leur for intérieur, l´aureur donne un riche panorama du probléme essentiel du Chef d ´œuvre inconnu, celui de savoir comment insuffler Ia vie à un tableau. Au-delà de Ia simultanéité relative de publications touchant à ce même sujet, l´acrualité de l´interrogarion du recueil en question se manifeste également dans l´exposition »Pablo Picasso. Stiere - Frauen - Alte Meister« au Kupfersrichkabinett de Berlin (seprembre 2013 à janvier 2014) où etaient présentées quelquesunes de ces grandes feuilles créées pendant les années 1940 et vendues comme séries à petit tirage à Ia Galerie Louise Leiris à Paris en 1954 (et Jont Jeux facsimiles sont reproduits aux pages 187-188 de l´ouvrage en question). La, Picasso a rassemblé sur une même feuille poèmes et dessins. Pour beaucoup de visiteurs, ces pièces d´exposition suscitèrent Ia prise de conscience que Picasso fur, également, quelqu´un qui écrivait. Gabriel Montua, Berlin |
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Bron: Romanische Forschungen 2014 | |
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